Dans le documentaire The Stringer, mettant en lumière l'une des images les plus marquantes du XXe siècle, la vraie histoire de la célèbre photographie de la petite fille au napalm est remise en question. Le film, réalisé par Bao Nguyen et diffusé sur Netflix, se penche sur l'attribution contestée de cette photo, traditionnellement créditée à Nick Ut, photojournaliste de l'Associated Press (AP).
Au cœur de ce débat se trouve Nguyễn Thành Nghệ, un ancien photojournaliste qui prétend avoir capturé l'instant tragique du 8 juin 1972 à Trảng Bàng, lorsque des bombes au napalm ont été larguées par erreur sur des civils. Cela marque un tournant, en faisant ressortir les injustices souvent ignorées concernant la reconnaissance des photographes vietnamiens.
Les témoignages collectés au fil du documentaire révèlent que, bien que Nick Ut ait reçu le Prix Pulitzer à seulement 21 ans pour cette image emblématique, d'autres journalistes présents sur site, dont des pigistes vietnamiens, battent en brèche cette version. Carl Robinson, ancien éditeur photo à l'AP, a principalement influencé ce changement de perspective après avoir reconnu dans un courriel daté de 2022 que la photo n'aurait pas dû être créditée à Nick Ut mais à un cameraman indépendant.
Ce réexamen minutieux des événements du jour de la photographie a été soutenu par des reconstitutions en 3D, créées par l'organisation Index, qui a travaillé sur des rapports de violence et de violations des droits humains. Cette approche a renforcé l'idée que l'image, qui a façonné la perception de la Guerre du Vietnam, appartient à un collectif plutôt qu'à un individu.
Les spécialistes de l'histoire du photojournalisme dénoncent une “injustice fondamentale” quant à la reconnaissance des photographes vietnamiens qui ont souvent été effacés de l'histoire. Gary Knight, co-fondateur de l'agence VII Photo, souligne l'idée que cette tendance de minimiser le travail des photographes locaux reflète des biais culturels persistants. Des études montrent que les agences de presse étaient souvent réticentes à attribuer le crédit aux Vietnamiens, ce qui soulève des questions sur la manière dont ces décisions sont prises dans le monde médiatique.
Le documentaire The Stringer ne se limite pas à résoudre une énigme historique; il éveille les consciences sur la manière dont les narrations sont construites et sur la voix des reporters d’origine locale. À l'heure des débats sur la représentation et la restitution, il se pose comme une réflexion indispensable sur le legs de la Guerre du Vietnam.







