Le Sénégal vient de réaliser une révision significative de ses comptes nationaux, entraînant une hausse de 13,5% de son produit intérieur brut (PIB). Cette initiative a été entreprise dans un contexte de crise de confiance après la révélation de dettes non déclarées, qui ont conduit à la suspension d’un programme crucial avec le FMI.
Le 26 novembre dernier, l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) a officialisé ce correction en adoptant une nouvelle année de base, 2021, à la place de 2014. Ce rebasage a permis d’incorporer des données plus récentes, d’actualiser les nomenclatures et d’ajouter des secteurs d’activité jusqu’ici mal couverts, comme l’orpaillage artisanal et le transport informel. En conséquence, la composition du PIB a été modifiée : le secteur tertiaire représente désormais 53,4% de l’économie contre 50,5% précédemment, tandis que le secondaire chute à 22,6 % et le primaire à 15,4%. Les taxes nettes ont également diminué, représentant 8,7% du PIB au lieu de 10% auparavant.
Cette mise à jour des comptes nationaux ne constitue pas un événement sans précédent, puisque le Sénégal avait déjà effectué une révision similaire en 2014, entraînant à l’époque une hausse de 30 % de sa taille économique. Grâce à ce rebasage, le ratio d’endettement public est passé de 90,8% à 80% du PIB pour l’année 2021, réduisant également la pression fiscale à 15,9% et le déficit budgétaire à 11,8%. Selon le journal Le Monde, ces révisions sont essentielles pour redéfinir les paramètres économiques du pays.
Des doutes persistants sur l'endettement du Sénégal
Toutefois, l’ANSD n’a pas encore fourni d’indications sur l’impact du rebasage pour les données les plus récentes, notamment celles de 2024. Ce manque de transparence crée des incertitudes sur l’ampleur de la dette, comme l’a signalé le FMI, qui estime que l’endettement total du Sénégal, y compris celui des entreprises d’État, atteindrait 132 % du PIB fin 2024. Ces chiffres préoccupants intègrent les passifs non recensés, révélés par un rapport de la Cour des comptes. Un audit par le cabinet Mazars a mis en lumière l’existence de 8 300 milliards FCFA, soit environ 12,6 milliards d'euros, de dettes non comptabilisées sous la précédente administration.
Ces révélations ne sont pas sans conséquences. Elles ont engendré des dégradations des notations souveraines, avec S&P Global abaissant la note à B-, puis à CCC+ en novembre, et Moody’s suivant la même tendance en classant la dette sénégalaise à Caa1 avec des perspectives négatives. En outre, les prévisions fiscales du gouvernement sont jugées trop optimistes, le FMI pointant une augmentation des recettes fiscales de 10 % par an depuis 2019 alors que le Plan de redressement prévoit une hausse de 31 % dès 2026.
Brevets de financement dans un contexte politique tumultueux
Les tensions financières sont exacerbées par un rapport de force entre Dakar et le FMI. Au cours d’un rassemblement récent, le Premier ministre Ousmane Sonko a rejeté toute idée de restructuration de la dette, la qualifiant de « honte » pour le pays. Il a insisté sur le fait que le Sénégal tiendrait ses engagements sans envisager un effacement ou un rééchelonnement, malgré les recommandations de l’institution financière internationale. Libération a rapporté que cette position ferme complique les discussions financières, le FMI ayant récemment conclu une mission à Dakar sans parvenir à un nouvel accord de prêt après avoir suspendu un programme de 1,8 milliard de dollars.
En conséquence, le Sénégal a dû explorer des alternatives de financement, se tournant vers le marché régional de l’UEMOA et vers sa diaspora, en raison des limitations d’accès aux marchés internationaux. Des discussions se poursuivent entre Dakar et le FMI, mais l’institution conditionne tout nouveau financement à une analyse actualisée de la soutenabilité de la dette. Celle-ci devra évaluer si un ajustement est nécessaire ou si le gouvernement peut se fier à ses ressources internes pour stabiliser les comptes publics. Dans un environnement où chaque décision sera examinée à la loupe, le Sénégal navigue entre transparence, contraintes économiques, et volonté de maintenir sa souveraineté budgétaire.







