Les pêcheurs bretons et normands se retrouvent au cœur d'une inquiétante problématique de trafic de drogue maritime. Bien que ce phénomène ne soit pas récent, il suscite une préoccupation croissante au sein de la justice française, exacerbée par des événements tragiques comme le meurtre de Medhi Kessaci à Marseille.
Face à cette menace, un numéro d'alerte a été mis en place pour permettre à ces professionnels de s'exprimer. Une réunion ciblée s'est tenue récemment, mais les pêcheurs restent sceptiques. L'un d'eux a déclaré anonymement : "Ici, tout le monde a été approché." Cette inquiétude palpable souligne l'ampleur du problème qui gangrène la profession.
Une technique sournoise : le drop-off
Des enquêtes policières menées ces derniers mois ont renforcé la prise de conscience des enjeux liés à ce phénomène. En avril, une saisie impressionnante de 800 kg de cocaïne a eu lieu en mer, révélant l'implication de pêcheurs d'Ouistreham et de Trouville. Ce coup de filet a mis en lumière les pratiques des narcotrafiquants, notamment une méthode appelée "drop-off". Cette stratégie consiste à exploiter les connaissances des marins pour récupérer des cargaisons de drogue en haute mer, souvent laissées par des navires de commerce.
Flavie Le Sueur, procureure adjointe de Rennes, évoque ce dossier comme représentatif de l'évolution des techniques des trafiquants, qui comptent sur le savoir-faire des pêcheurs pour échapper aux contrôles portuaires.
Pression financière et menace sécuritaire
Les raisons qui poussent ces marins à s'impliquer varient. L'attrait financier est indéniable, surtout dans un secteur notoirement difficile, frappé par des augmentations de charges et de quotas. Comme l'indique un pêcheur, la profession devient plus précarisée, rendant les gains faciles du narcotrafic tentants. De plus, les menaces pèsent lourdement. Selon un témoignage, "si vous acceptez, il est difficile de dire non par la suite. Ils menacent les familles et surveillent vos déplacements."
L'affaire d'avril a révélé que certains pêcheurs avaient subi des menaces, au point que l'un d'eux a dû déménager sa famille pour échapper à une menace d'enlèvement.
Un climat de méfiance
Pour contrer ce fléau, une cellule policière, "Cross 76", ainsi qu'un numéro d'alerte, ont été établis pour recueillir des informations auprès des pêcheurs. Toutefois, cette démarche est accueillie avec méfiance. Valérie Giard, avocate spécialisée, a exprimé ses doutes : "Les marins n'ont aucun intérêt à s'exprimer". Un élu du secteur souligne également que cela peut exposer les pêcheurs à des représailles.
Malgré ces défis, les autorités restent vigilantes. Le procureur Frédéric Tillet rappelle l'importance cruciale de la pêche en Bretagne et en Normandie, et exprime son inquiétude face à l'implication de ce secteur dans des activités criminelles. Les enquêteurs craignent même qu'une absence de saisies de drogue sur les côtes ne soit pas le signe d'une diminution du trafic, mais plutôt d'une adaptation des méthodes de distribution des narcotrafiquants.







