Paris (France) – Les récents discours de certains dirigeants, évoquant le risque d'effacement civilisationnel en raison de l'immigration, masquent en réalité une tendance significative au durcissement des conditions d'asile et d'immigration sur le Vieux Continent. Bien que les pays européens soient confrontés à un vieillissement de leur population, ce qui les pousse à rechercher davantage de main-d'œuvre étrangère, les politiques d'immigration deviennent plus sélectives.
Selon Eurostat, la population étrangère en Europe a atteint environ 29 millions de ressortissants de pays tiers, représentant 6,4 % de la population totale. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 23,8 millions comptabilisés en 2021. Les pays tels que l'Allemagne, l'Espagne, la France et l'Italie abritent près de 70 % des étrangers résidant dans l'UE. Matthieu Tardis, co-directeur du centre de recherche Synergies Migrations, souligne que l'économie de plusieurs pays européens repose en grande partie sur l'immigration, rappelant que la main-d'œuvre italienne et polonaise a été essentielle à la révolution industrielle en France.
Les permis de séjour pour le travail dominent désormais les premiers titres délivrés par l'UE avec 1,1 million en 2024, en hausse par rapport à 589.000 en 2015. Dans certains secteurs comme la santé ou le bâtiment, les étrangers sont surreprésentés, représentant 22 % des médecins en Allemagne et 18 % en France, d'après des données de l'OCDE.
Par ailleurs, la situation des demandeurs d'asile montre une diminution des arrivées. Fin 2024, on comptait environ 1 million de demandeurs d'asile, soit une baisse de 11 % par rapport à 2023. Parmi ceux-ci, moins de la moitié ont obtenu le statut de réfugié. En 2015, lors de la crise migratoire, ce chiffre avait atteint un pic de 1,3 million.
Les arrivées irrégulières ont également chuté, avec près de 200.000 en 2024, une baisse considérable par rapport aux chiffres de 2015. Les accords conclus avec des pays comme la Turquie, la Libye ou la Tunisie ont contribué à cette diminution, mais soulèvent des préoccupations concernant les droits de l'homme, selon plusieurs ONG.
Les politiques d'asile se font plus restrictives. En Allemagne, le chancelier Friedrich Merz a mis en œuvre des mesures plus strictes depuis son arrivée au pouvoir, ce qui a entraîné une réduction de plus de 50 % des demandes d'asile depuis 2024. Au niveau communautaire, les 27 pays membres de l'UE travaillent à renforcer les contrôles sur les arrivées et les renvois de migrants, avec des projets de centres d'accueil hors de l'UE. L'Italie a récemment signé un accord avec l'Albanie pour traiter les demandes d'asile, bien que l'application de cet accord soit suspendue en raison de recours juridiques.
La Première ministre italienne Giorgia Meloni, qui prône une lutte active contre l'immigration clandestine, a augmenté le nombre de visas de travail dans le but de répondre à une pénurie croissante de main-d'œuvre. En Hongrie, où les demandes d'asile sont presque inexistantes, le gouvernement a aussi renforcé sa politique d'immigration, favorisant les travailleurs étrangers.
Au Royaume-Uni, les statistiques montrent une chute de 69 % des entrées nettes d'immigrants sur un an, une tendance qui semble se perpétuer, malgré la poursuite des traversées irrégulières de la Manche.
Cette dualité dans les politiques d'immigration soulève des questions essentielles sur l'avenir climatique de l'Europe. Pour de nombreux experts, comme ceux du Centre Européen pour les Droits des Migrants, l'équilibre entre besoin de main-d'œuvre et respect des droits humains devra être au cœur des discussions futures.







