Opales et camées de l’impératrice Joséphine, diadème en émeraudes de la reine Victoria, aigrettes en diamants de maharajas… L’hôtel de la Marine accueille une exposition mémorable intitulée « Joyaux dynastiques », qui met en lumière des bijoux chargés d’histoire.
Malheureusement, une pièce emblématique est absente de cette collection : le diadème Lemonnier de l’impératrice Eugénie, subtilisé lors d’un vol audacieux le 19 octobre dans la galerie d’Apollon du Louvre. « Cela reste l’un des plus précieux bijoux encore conservés aujourd'hui », indique le catalogue de l’exposition, achevé avant le braquage, pour lequel plusieurs suspects ont été mis en examen. Ce bijou, toujours introuvable, a donc été écarté de l'événement.
Néanmoins, l’exposition, qui se tiendra jusqu’au 6 avril 2026, regroupe un ensemble éblouissant d’objets précieux. Fruit d’un partenariat entre le Victoria and Albert Museum de Londres et la collection Al Thani, appartenant au cheikh Hamad Ben Abdullah Al Thani, elle présente des joyaux célébrés par les dynasties régnantes de 1700 à 1950.Une exposition d’une telle ampleur dans une capitale républicaine ne semble pas effrayer Amin Jaffer, directeur de la collection Al Thani. « La monarchie britannique continue d’illustrer la tradition des joyaux comme symbole de pouvoir. Les Français ont largement commenté le récent couronnement, » déclare-t-il. L'hôtel de la Marine, qui a conjuré un accord pour exposer jusqu’en 2041 une partie de ses œuvres, fut également le garde-meuble de la couronne française de 1767 à 1792, comme le rappelle Jaffer.
L’exposition se démarque par sa scénographie, qui utilise des murs bleu nuit pour faire ressortir les joyaux éclairés par une lumière blanche. Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par une série de pierres taillées, qui illustrent la noblesse des gemmes souvent importées d’Inde. Parmi elles, un spectaculaire saphir bicolore, ainsi que des pièces d’anthologie comme les diamants Etoile de Golconde (57 carats) et Briolette des Indes (90 carats).
On retrouve ensuite un couloir où défilent des diadèmes de styles variés : néoclassique, enguirlandé, ou rigide. Selon Emma Edwards, conservatrice au Victoria and Albert Museum, un diadème est « à la fois le symbole d’un rang social et d’un statut marital, souvent offert lors des noces. »
Broche plume de paon
Dans une autre section, le parcours est orné de vitrines dédiées à des figures historiques. On y admire, par exemple, des boucles de souliers de Catherine II de Russie, ornées de saphirs et diamants, ainsi qu'une collection d’opales de l'impératrice Joséphine. Plus loin, assistez à la découverte de la broche plume de paon de l’impératrice Eugénie, réalisée par le joaillier Mellerio en 1868.
Au centre, la couronne britannique se distingue. Alors que l’aristocratie est représentée par des pièces telles qu’une broche de la duchesse de Portland, la reine Victoria et son époux, le prince Albert, se posent en figures centrales. Victoria, saisie par le goût raffiné de son mari, évoque son influence : « Albert gère tout ce qui concerne mes bijoux. » Le diadème en émeraudes qu’il lui a offert en 1845 en est une exemple notable.
Une vitrine émouvante expose des bijoux chargés de tendres émotions, témoignant de l’attachement personnel des propriétaires. Par exemple, une broche astiquée offerte à leur nourrice, contenant des mèches de cheveux de leurs enfants, ou un délicat médaillon d’or que le prince Albert avait prévu d’offrir à Victoria pour Noël 1861, peu avant sa mort accidentelle.
La dernière partie de l’exposition présente des pièces du XXe siècle, où de nouvelles dynasties passaient leurs commandes aux grands joailliers comme Cartier, illustrant l’évolution du statut des bijoux. Cela témoigne d’une quête de distinction parmi les fortunes modernes, un sentiment qu’Emma Edwards synthétise parfaitement : « Pour les nouvelles élites, posséder des bijoux de marques prestigieuses symbolisait le raffinement. »
Ces « joyaux dynastiques », intégralement protégés sous vitrine, offrent un aperçu fascinant d'une époque où le luxe et le statut social étaient intimement liés. Comme le souligne le critique d’art Jonathan Jones, certains pourraient les voir comme de simples objets. Pourtant, Amin Jaffer réfute cela : « Ces pièces révèlent l’histoire, la beauté, l’artisanat et l’humanité, car derrière cette magnificence se cachent des histoires de vie. »







