Au sommet du majestueux Mont Sinaï, là où, selon les traditions bibliques, Dieu s'adressa à Moïse, un vacarme incessant jaillit des chantiers en contrebas. L'Égypte a lancé un ambitieux mégaprojet immobilier visant à transformer Sainte-Catherine, reconnue comme un haut lieu de pèlerinage, en une destination de tourisme de masse, avec l'introduction de complexes hôteliers et d'infrastructures.
Des experts en patrimoine et des habitants affirment que ces travaux compromettent déjà l'intégrité du site, classé patrimoine mondial de l'UNESCO et réserve naturelle. Le cœur de ce projet, baptisé "Grande Transfiguration" ou "Révélation de Sainte-Catherine", menace d'oblitérer l'un des plus anciens monastères chrétiens, tout en exposant les préoccupations des tribus bédouines pour leurs terres ancestrales.
Un guide de la tribu Jabaliya, s'inquiétant de l'avenir, déclare : "La Sainte-Catherine que nous connaissions est révolue. Les générations futures n'auront que la vision de ces bâtiments démesurés autour d'eux". À ses côtés, les membres de la communauté bédouine expriment une préoccupation croissante face à l’effritement de leur mode de vie et de leurs traditions.
Ce projet, dont le budget avoisine les 300 millions de dollars, a suscité de vives critiques avec des appels d'organisations comme World Heritage Watch, qui ont sollicité à l'UNESCO l'inscription de ce site sur la liste des patrimoines menacés. Les travaux avancent cependant inexorablement, malgré les réserves exprimées.
Les moines ayant la charge du monastère, jadis paisible oasis de spiritualité, se retrouvent pris au cœur d'une polémique. Une décision judiciaire récente a statué que le monastère était sur des terres d'État, déclenchant une vraie tempête diplomatique avec la Grèce et des protestations au sein des différents patriarcats orthodoxes.
En septembre, une mutinerie d'une rare intensité a vu l'archevêque de Sainte-Catherine contraint à la démission, illustrant ainsi les tensions grandissantes autour de la gestion du site sacré. Dans le même temps, les Bédouins, qui accompagnent chaque année des milliers de visiteurs, appellent à de meilleures infrastructures et à une reconnaissance de leurs besoins, bien conscients que le projet immobilier pourrait aggraver leur situation économique.
Les bulldozers continuent de détruire des terres culturelles, notamment un cimetière historique dévasté pour faire place à de nouveaux développements. Les autorités locales, interpellées à ce sujet, n'ont pas fourni de commentaires, laissant la population locale perplexe et inquiète de leur avenir.
Les responsables gouvernementaux, tout en vantant les mérites économiques de ce projet, semblent ignorer les voix des habitants, témoins d’un héritage culturel en péril. Un habitant préoccupé indique : "Personne ne sait ce qui se passera demain. Peut-être nous diront-ils qu'il n'y a plus de place pour nous." Dans un pays où les préoccupations environnementales et sociales sont souvent mises de côté pour des raisons économiques, l’avenir de Sainte-Catherine demeure incertain, alors que beaucoup espèrent encore que le tourisme pourra offrir une voie vers la prospérité.
