Depuis plusieurs années, la politique française s'illustre par un paradoxe : de nombreux observateurs, à droite comme à gauche, semblent surpris par l'ascension du Rassemblement national, alors que divers facteurs ont contribué à cette évolution. Un sondage récent d'Odoxa-Mascaret, publié le 25 novembre, révèle que Jordan Bardella trône en tête des intentions de vote pour la présidentielle de 2027, confirmant ainsi une dynamique de soutien populaire qui ne cesse de croître.
Avec un écart de 18 à 22 points sur ses concurrents au premier tour et une victoire estimée au second tour face à des figures telles qu'Edouard Philippe ou Jean-Luc Mélenchon, la surprise réside moins dans les chiffres que dans la réaction d'une élite politico-médiatique semble complètement déconnectée des réalités du pays.
Ce succès du Rassemblement national est le reflet des renoncements systématiques de la gauche et de la droite traditionnelles. On observe que le parti de Bardella attire particulièrement l'électorat populaire, notamment dans les zones rurales et périurbaines, désormais en proie à la désindustrialisation et à une mondialisation vue comme synonyme de déclassement.
La gauche, qui a souvent négligé ces classes populaires, a viré vers un projet plus centré sur un progressisme sociétal déconnecté des préoccupations de ses anciens soutiens. Les valeurs que promulguent le Rassemblement national, en faisant écho à des angoisses réelles, attirent ces électeurs lassés de se sentir invisibles et déconsidérés. Comme le souligne le sociologue David Le Breton : "Les citoyens se tournent vers ceux qui entendent leurs cris et apportent des réponses claires à leurs angoisses".
De son côté, la droite classique a souvent manqué de clarté. Les compromis constants ont éloigné des électeurs vers le RN, les poussant à chercher un discours qui résonne avec leurs préoccupations. Éric Ciotti et d'autres figures tentent de corriger le tir, mais la crédibilité du parti dans son ensemble est en déclin.
En ce sens, la montée de Bardella ne représente pas simplement un phénomène isolé, mais un mouvement politique largement nourri par des abandons et des renoncements cumulés. La recherche de sécurité, d'identité et de protection permet à un discours clair de s'épanouir, alors même que d'autres voix s'égarent dans des débats idéologiques devenus obsolètes.
Il serait illusoire de se contenter de s'indigner face à cette situation. Jordan Bardella n'est pas un accident ; il est le produit d'une série de choix politiques qui ont menée à un constat : tant que les élites politiques ignoreront les réalités vécues par les citoyens, des leaders comme Bardella continueront d'émerger. La leçon à tirer de cette évolution est claire : un pays, en quête de repères et de certitudes, se tournera toujours vers ceux qui savent prononcer les mots qui résonnent dans ses craintes.







