Viktor Keszler, viticulteur dans le village de Zalaszentgrot, a cessé d'espérer en arrachant ses jeunes vignes après seulement trois récoltes, à cause de l’invasion de la flavescence dorée qui affecte gravement la viticulture en Hongrie.
"Nous essayons d'appliquer des traitements phytosanitaires pour enrayer la propagation, mais c’est peine perdue", confie Keszler, désespéré par la situation. Ces insectes, les cicadelles, continuent à se propager à travers des vignobles non traités et des vignes sauvages environnantes, infectant ainsi de nouvelles cultures.
La Hongrie, en tant que 14e pays producteur de vin avec une production prévue de 270 millions de litres en 2024 selon l’Organisation internationale du vin (OIV), est particulièrement touchée par cette menace. Des régions viticoles emblématiques, notamment Tokaj, réputées pour leur patrimoine unique, sont en danger.
La flavescence dorée, déclarée officiellement pour la première fois en 2013, a désormais envahi 21 des 22 régions viticoles du pays, laissant les producteurs dans l’incertitude et l’angoisse. Janos Frittmann, président du Conseil national des communautés viticoles, a récemment sonné l'alarme : "Si cette situation persiste, nous risquons d'éliminer presque complètement la production de raisins en Hongrie. C’est une catastrophe qui s'est abattue sur nos domaines."
Il ajoute que jusqu’ici, de nombreux vignerons n'avaient pas réalisé l'ampleur du problème. "Ils ne connaissaient même pas les symptômes", a-t-il déclaré à l’AFP. La maladie se manifeste par des feuilles jaunies, un signe qui s’est intensifié à cause du réchauffement climatique, favorable au développement des cicadelles.
Face à cette situation alarmante, le gouvernement hongrois a débloqué environ 10 millions d'euros en septembre pour lutter contre cette épidémie. Des inspections ont été menées sur près de 8700 hectares de vignes, mais des experts comme Gergely Gaspar ont des doutes sur l’efficacité de ces mesures. Ce dernier qualifie la réaction du gouvernement de tardive, soulignant le sous-effectif et le sous-financement du département de la protection des plantes en charge de la lutte contre la flavescence dorée.
"Dans la région de Monor près de Budapest, aucune inspection aléatoire n'a été réalisée depuis six ans", révèle-t-il. Cela met en lumière les lacunes dans les efforts de contrôle et la lenteur des analyses des échantillons, aggravant la crise. Gaspar, lui-même viticulteur, a perdu la totalité de ses vignes, ce qui nourrit son sentiment d'impuissance.
Néanmoins, Viktor Keszler maintient un brin d’espoir : "Si nous unissons nos efforts avec l'État et les autorités locales, nous avons encore une chance de vaincre cette maladie. Il est crucial de recoller les morceaux ensemble."
Elisa Angelini, responsable du service de détection des maladies au Centre de recherche Viticulture et Oenologie en Vénétie (CREA-VE), souligne que la maladie est souvent diagnostiquée trop tard. En moyenne, elle est détectée quatre ans après l'infection, ce qui rend son éradication impossible. Les viticulteurs de Hongrie devront s'adapter à cette nouvelle réalité, à l'instar de leurs homologues en France et en Italie qui ont trébuché sur cette-même pierre depuis des décennies.
