Londres (AFP) – « Nous sommes des fantômes », affirme Leandro Cristovao, un Angolais qui, chaque nuit, s'affaire à emballer des produits alimentaires dans un entrepôt londonien alors que la plupart des habitants dorment. Des travailleurs comme lui, issus de l'immigration, constituent une part de plus en plus importante des travailleurs nocturnes, jouant un rôle crucial dans l'économie britannique.
Selon des données officielles de 2023, parmi les neuf millions de travailleurs nocturnes au Royaume-Uni, les étrangers sont passés de 1,5 million à 2 millions en une décennie. Dans le secteur de la santé, plus d'un tiers des travailleurs de nuit sont des migrants, illustrant ainsi leur importance dans un système qui fonctionne 24 heures sur 24.
« Le travail de nuit est souvent considéré comme « peu qualifié », mais il est essentiel au bon fonctionnement de la société », souligne Julius-Cezar Macarie, professeur de sociologie à l'University College de Cork, qui étudie l'« invisibilité » de ces travailleurs. Dans un contexte où le gouvernement britannique renforce sa politique anti-immigration, des témoignages prennent la parole pour rappeler leur contribution souvent sous-estimée.
L'agente d'entretien
Au lever du jour sur Londres, Roxana Panozo Alba, une Bolivienne de 46 ans, revient de son travail de nettoyage nocturne dans des bureaux. Elle et son équipe, majoritairement composée de migrants, entretiennent cet espace de 22h à 7h, touchant le salaire minimum londonien de 13,85 livres (15,7 euros). Déménagée au Royaume-Uni avec son mari pour fuir le manque d'emplois en Espagne, elle a choisi de travailler la nuit pour pouvoir s'occuper de ses deux enfants durant la journée, même si cela nuit à sa santé.
Les travailleurs sociaux
Omatule Ameh, un Nigérian de 39 ans, est un autre visage de cette réalité. En tant que travailleur social, il veille sur des enfants en situation de handicap, tout en jonglant entre un emploi exigeant et sa vie de famille. Ce père de deux jeunes enfants travaille la nuit, souvent avec seulement trois heures de sommeil. « Émotionnellement, cela use », déclare-t-il, tout en se préoccupant des nouvelles politiques d'immigration qui compliquent la vie des travailleurs comme lui.
Judith Munyonga, une Zimbabwéenne de 44 ans, partage des expériences similaires en travaillant de nuit auprès de patients gravement malades. Les défis sont nombreux, notamment le fait de devoir rester éveillé dans l'obscurité, une lutte qui reflète une situation de plus en plus difficile pour ces travailleurs face aux politiques restrictives du gouvernement. Ces dernières incluent l'augmentation du temps d'attente pour la résidence permanente, un changement qui rend leur avenir encore plus incertain.
Le cuisinier
Sandeep, un jeune Népali de 21 ans, illustre également cette réalité. Il travaille comme cuisinier dans un café ouvert 24h/24. Diplomé en informatique, il se retrouve dans ce rôle en raison de la rareté des opportunités dans son domaine. « Il n'y a rien pour les jeunes là-bas », commente-t-il, faisant écho à la quête désespérée de nombreux immigrés pour un avenir meilleur.
L'agent de conditionnement
Leandro Cristovao, qui emballe des produits alimentaires pour de nombreux établissements, mentionne les effets du Brexit sur son entreprise. Son patron, inquiet de la difficulté à recruter des travailleurs locaux pour des horaires nocturnes, voit l'impact de ces changements de politiques sur leur capacité à fonctionner efficacement. Comme il le dit :
« Pendant qu'ils dorment, nous sommes là. »
Ces récits révèlent une réalité souvent ignorée : ces travailleurs, bien qu’invisibles pendant la nuit, sont essentiels à la vie quotidienne de la société britannique. Leur contribution mérite reconnaissance et respect, surtout dans un contexte de défis politiques croissants. Les experts appellent à une réévaluation du rôle de ces travailleurs nocturnes et à un changement d'attitude face à leurs réelles capacités et à leur dévouement.







