Chaque année, durant les mois de novembre et décembre, Matey Mateev, une figure emblématique de l'industrie du caviar en Bulgarie, intensifie ses efforts pour produire le précieux caviar de béluga. Située dans les Rhodopes, cette région, considérée comme le berceau du mythique Orphée, abrite un lac unique où les esturgeons prospèrent dans des conditions idéales.
"Ici, dans ce lac, les esturgeons rencontrent un environnement naturel similaire à celui de la mer Noire et de la mer Caspienne. La profondeur du lac et la pureté de l'eau de montagne contribuent à la qualité exceptionnelle de notre caviar", explique M. Mateev, visiblement passionné par son savoir-faire.
À 53 ans, Mateev se distingue comme un pionnier de la production de caviar en Bulgarie, un pays qui a vu cette activité se développer dans un contexte économique difficile post-communiste, au milieu des années 1990. Alors qu'il a d'abord commencé par élever des poissons pour leur chair, il s'est rapidement spécialisé dans l'élevage d'esturgeons, en particulier de bélugas, dont la production a débuté dans sa ferme au bord du lac.
La Bulgarie, avec une production annuelle d'environ 520 kilos, est aujourd'hui un acteur significatif sur le marché européen du caviar. Le béluga, reconnu comme le "roi des caviars", est un produit très prisé, mais il nécessite du temps et un investissement considérable pour son élevage. Contrairement aux autres esturgeons, le béluga prend jusqu'à 15 ans pour atteindre sa maturité. "Nous ne récoltons le caviar que sur des poissons de plus de 20 ans", souligne Mateev, avec fierté.
Alors qu'il travaille dans le laboratoire d'extraction et de raffinage du caviar avec son frère et son fils, Mateev affirme que chaque kilogramme de cette délicatesse passe par ses mains. Son entreprise exporte ce délice vers divers pays, notamment la France, où il est particulièrement apprécié dans les établissements de luxe.
Olivier Veillet, directeur régional chez Caviar de Neuvic à Paris, précise que "la saison de consommation du caviar est actuellement à son comble avec les fêtes de fin d'année qui approchent". Vous pouvez vous attendre à payer jusqu'à 192 euros pour une boîte de 30 grammes de caviar béluga, soit de deux à quatre fois plus cher qu’un caviar classique, comme l'indique Charles de Saint-Vincent, fondateur de la Maison Boutary.
La rareté et les saveurs uniques du béluga, qui se caractérisent par de gros grains gris, contribuent à son attrait. L'icône américaine Elizabeth Taylor les appelait même "ses grey babies". En termes de goût, le béluga se distingue par sa richesse en texture et sa douceur caractéristique.
Selon Eurostat, la production mondiale de caviar avoisine les 500 tonnes, avec l'Italie et la France comme leaders européens. Cependant, la production de caviar de béluga reste marginale, représentant environ 1 % de cette quantité totale, ce qui en fait une niche pour les producteurs comme Mateev.
La Bulgarie a su s'imposer dans ce domaine grâce à ses eaux naturelles, et malgré la prospérité de l'élevage, les populations d'esturgeons sauvages sont en danger. En conséquence, le gouvernement bulgare a annoncé la suspension de la pêche pour protéger ces espèces menacées, affecté par la surpêche et la pollution. Une interdiction qui prendra effet le 1er janvier 2026, et qui marque un tournant dans la protection de la biodiversité bulgare.







