Dans un contexte où le gouvernement et les employeurs dénoncent un taux d’absentéisme croissant, la pression croissante sur les salariés souligne une réalité troublante : la culpabilisation des employés en arrêt de travail aggrave souvent leurs conditions de santé. Daphnée Breton, psychologue du travail, souligne que les gens se sentent souvent poussés à justifier leurs arrêts, affirmant : « Beaucoup de mes patients disent, 'le médecin m’a arrêté. Je ne le voulais pas.' » Cette honte est amplifiée par la peur de surcharger leurs collègues déjà débordés.
Les discours du gouvernement, qui évoquent des abus dans le cadre des arrêts maladie, ont des répercussions directes sur la perception des employés. Selon le 15e baromètre d’Empreinte humaine, près de 48 % des employés pensent qu'il y a entre 1 et 5 abus pour 10 arrêts maladie pour des raisons psychologiques. Cette stigmatisation nuit profondément à ceux qui souffrent réellement, comme l'affirme également Nathalie Arnould, médecin du travail, en constatant que « la souffrance au travail augmente pour tous les types de métiers et d’âges ».
Ce climat de méfiance intensifie la souffrance, et de nombreux salariés parlent de la honte ressentie lorsqu'ils prennent un arrêt maladie. Pour ceux qui ont nécessairement dû arrêter pour des raisons psychologiques, 59 % évoquent un sentiment de honte, tandis que 55 % parlent de suspicion (source : L'Humanité). Cette dynamique freine l’acceptation de la dégradation des conditions de travail qui, selon les experts, est la véritable cause de l’augmentation des arrêts maladie.
La situation est exacerbée par des délais de prise en charge médicale de plus en plus longs, rendant difficile l’accès à des soins appropriés. Par exemple, un examen d’IRM, crucial pour les troubles musculosquelettiques, peut prendre des mois à être obtenu. Les médecins de ville, souvent mal informés sur l’impact du travail sur la santé, contribuent également à ce phénomène, créant un cycle de retard dans le traitement.
Face à cette réalité, le témoignage de Daphnée Breton met en lumière un paradoxe : les employés attendent souvent trop longtemps avant de prendre des mesures pour leur santé, en raison des peurs liées aux conséquences financières des arrêts (comme les jours de carence en fonction publique). Elle avertit : « Le discours de culpabilisation ambiant pousse aussi les salariés à ne pas écouter les alertes de leur corps. » Des signes tels que les troubles du sommeil, la difficulté de concentration ou encore des douleurs physiques sont souvent ignorés jusqu'à ce qu'il soit trop tard.
Les conséquences de ces dynamiques sont alarmantes. Alors que les employeurs sont rarement remis en question malgré leur rôle dans la détérioration des conditions de travail, les salariés continuent de chercher des solutions superficielles, telles que des consultations fréquentes chez des spécialistes, plutôt que d’attaquer les problèmes à leur racine. La santé mentale et physique des travailleurs mérite davantage d’attention et de respect, en plaçant la protection des travailleurs au cœur de la politique de santé au travail.
